COLLECTION TOUZAZIMUT{E} N°17 <—
—> ÉDITIONS DU ROUERGUE /
TOREROS /
Création :
. conception
. dessins & illustrations
. typographies & mise en page
Avec la participation de Michel Thielley – Vincent Bourg alias Zocato – Simon Casas
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“Le temps de ce livre, Éric Lasserre {alias Mr Thornill} se promène paresseusement dans le callejon d’arènes fictives et ensoleillées. Il y croise des toreros imaginaires dont il se fait le confident. Et pendant que les gradins se remplissent, il s’invente une nouvelle identité dans ce milieu d’ombres et de lumières. Au fil de portraits dessinés ou peints, l’auteur dévoile pudiquement son univers graphique et nous invite parfois à la réflexion, souvent à la contemplation.”
> La Provence / Mai 2003 /
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Créée par Olivier Douzou, la collection Touzazimute des éditions du Rouergue est un laboratoire d’image ainsi qu’un espace d’expression et de création.
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LIVRE /
> 17,2 x 22 cm / 36 pages / quadrichromie /
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TEXTE #2 : LUIS MIGUEL DOMINGUIN /
> par le Docteur Michel Thielley, chirurgien des arènes de Bayonne /
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Pendant les trente années passées dans les arènes de Bayonne et de Saint Vincent de Tyrosse comme chirurgien, je n’ai eu à m’occuper que d’une vingtaine de blessures sérieuses par rapport au nombre impressionnant de contusions, chutes, bousculades heureusement plus spectaculaires que graves. Parmi ces blessures, celle qui m’a particulièrement marqué, est celle de Luis Miguel Dominguin, par sa gravité et par la personnalité du blessé.
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Luis Miguel Dominguin venait de cadrer son taureau pour la mise à mort, s’apprêtant à porter le coup d’épée mortel : la hora de verdad, l’heure de la vérité ! Le mufle était figé sur la muleta, à même le sol. Le torero souleva légèrement la muleta pour faire lever la tête du bicho et faciliter la mise à mort dans de bonnes conditions. Silence dans les arènes.
Mais au moment où il abaissait le bras pour estoquer, un spectateur un peu trop expansif fit tout haut un bref commentaire. Pendant une fraction de seconde, peut-être moins, l’attention du maestro fut détournée en direction de ce trublion. Et alors que rien ne le laissait prévoir, Luis Miguel Dominguin se balançait dans le berceau des cornes du fauve ! Quelle frayeur, tout le ruedo était debout, pris de panique.
Aussitôt, quites des peones pendant que d’autres emportaient le blessé inanimé à l’infirmerie toute proche où je l’attendais déjà. La place du chirurgien doit être dans le callejon, pinces de première urgence en poche car les hémorragies des vaisseaux de l’aine (l’artère fémorale) doivent être arrêtées dans les trente secondes. C’est un moment toujours angoissant pour le chirurgien qui craint le pire et qui attend avec impatience de constater les dégâts. Le déshabillage d’un torero n’est pas une mince affaire : il faut aller vite mais respecter en même temps ce merveilleux “habit de lumière”, travail laissé aux mains expertes des peones.
“Faites bien attention à mon costume, avait recommandé Dominguin, c’est Cocteau qui me l’a dessiné”.
Et puis, et ce n’est pas le plus facile, il fallut expulser ceux qui avaient profité de la panique pour s’infiltrer et qui attendait avec impatience le diagnostic et la durée d’immobilisation du maestro. À première vue, la blessure était trop importante pour être traitée sur place : ambulance, clinique déjà avertie par téléphone, salle d’opération prête, anesthésiste sur le pied de guerre. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que les testicules du maestro pendaient à travers les bourses totalement déchirées, seules victimes de la corne (une cornada pouvant avoir plusieurs trajets, ce que j’ai pu constater à plusieurs reprises). Les testicules avaient labouré le sable des arènes. Par chance, les glandes elles-mêmes n’avaient pas souffert. Il me fallut près d’une heure pour nettoyer minutieusement cette plaie béante et la débarrasser de tout ce qu’elle avait pu emmagasiner : poils arrachés par la corne, morceaux de tissus et surtout sable et petits graviers. Il ne restait plus qu’à réintégrer les “fugitives” à leur place. Le plus pittoresque fut le retour de l’opéré dans sa chambre. Le hall de la clinique était rempli d’une foule avide de savoir ce qui s’était passé et dans quel état revenait leur idole : la presse, les peones mais surtout les adoratrices de la vedette et dieu sait s’il y en avait ! Quand je les eus rassurées sur son état, je vis le moment où j’allais être porté en triomphe ! “A ombros” ! Quelques années plus tard, lors d’une intervention dans la même salle, une infirmière nous amena un petit paquet de papier religieusement plié qu’elle conservait avec amour. Quelle fut notre surprise quand, en l’ouvrant délicatement, apparut une touffe de poils. L’infirmière nous avoua qu’elle avait gardé précieusement, comme une relique, la toison du célèbre maestro après lui avoir rasé le pubis et le scrotum pour préparer le champ opératoire.
Pour elle, sa toison d’or !
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DESSINS /
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